Trombe sur Bernières

par Stéphane Mandelkern, 1997


Tout commence un dimanche après-midi d'été, lourd et orageux II est 15 heure ce jour là, lorsque J.C.M., vaquant dans son jardin comme à son habitude le week-end, est appelé par sa fille qui lui montre le phénomène spectaculaire se déroulant à quelques encablures du rivage. Pétrifié par la peur, il assiste quelques minutes au spectacle des forces de la nature. Rassemblant enfin ses esprits, il se décide à prendre la bonne décision : faire une photo afin que ses copains du club de voile croient à son histoire Le temps de courir chercher l'appareil, la trombe avait légèrement diminué d'intensité... Mais c'était dans la boite !

On voit nettement sur ce document le tuba, excroissance nuageuse de la forme d'un cône renversé, prenant naissance à la base d'un gros nuage orageux (généralement un cumulonimbus) et descendant de façon plus ou moins tortueuse vers la mer où se forme le buisson, paquet d'embruns relativement organisé en forme annulaire qui laisse dans son sillage une mer temporairement agitée. Parfois le tuba disparaît entre le nuage et le buisson C'est ce qui arrive dans notre cas (cf. photo et schéma 1 ).

Le point blanc visible tout près du buisson est un bateau régatant ce jour là, dont le skipper racontera plus tard qu'il ne s'est aperçu de rien, sa voile lui cachant la trombe Ce témoignage montre le caractère excessivement local de ce phénomène puisqu'à quelques dizaines de mètres, le skipper n'a pas senti le très fort vent qui règne alors dans la trombe Mais l'aventure de notre témoin n'est pas originale. D'autres témoignages de trombes nous ont été racontés.

Ainsi, dans les années 50, J.C pêchait paisiblement avec quelques amis sur son Dons à quelques centaines de mètres du rivage, devant Graye C'était aussi l'été, sans doute au début du mois d'août, il faisait orageux. Le vent était orienté sud sud-ouest. Soudain, nos pêcheurs voient non pas une, mais trois ou quatre petites trombes avancer en zigzaguant sur la mer. Ils jettent l'ancre et s'allongent dans le fond du bateau. L'une des trombes passera à 100 mètres d'eux A son approche, le vent se lève en tempête, la mer se hérisse de vaguelettes, et l'atmosphère entière s'imprègne d'embruns. Le spectacle aura duré une vingtaine de minutes.

Trombe... Tornade.. Bien que les définitions varient suivant les auteurs, on peut dire que les trombes marines sont les équivalents maritimes des tornades, généralement de moindres intensités. Dans les deux cas, il s'agit "de tourbillons atmosphériques de vents intenses, d'axe quasi vertical et de petites dimensions".

Les trombes sont des phénomènes locaux. D'une hauteur de 300 à 700 mètres leur diamètre varie entre quelques mètres er surface et quelques 300 mètres à la base di nuage. Les buissons peuvent avoir u diamètre de 250 mètres et atteindre 12 mètres de haut. Quant à leur durée de vi« elle est courte, variant entre 2 et 20 minute généralement de l'ordre de 4 minutes

Si un baromètre était placé dans ui trombe, il enregistrerait une chute c pression de plusieurs dizaines d'hectoPasc (1 hPa «1 mBar). En 1958, le naviic Marseille enregistra au passage d'une trombe une chute de pression de 21 hPa engendrant des vents de force 11 Beaufort ! C'est dire la violence du phénomène

Les trombes ou les tornades ne sont pas réservées aux régions tropicales Le

climat bernierais est doux certes, mais les cocotiers n'y poussent pas encore!

Les témoignages de trombes marines ne sont d'ailleurs pas si rares sur nos côtes Selon une étude climatologique sur l'occurrence des trombes et tornades en France, il ressort que 70 % d'entre elles sont observées de mai à septembre, pendant la moitié estivale de l'année où les orages sont nombreux Car les trombes sont toujours associées à une situation atmosphérique d'air instable, quand la température de l'eau est peu différente de la température de l'air Selon l'auteur de cette étude, le nombre de trombes et tornades en France

métropolitaine s'élève à 180 par an, mais celles-ci sont la plupart du temps de faible intensité et ne provoquent que très rarement de dégâts importants. Pas étonnant donc, que des trombes puisent être observées sur les côtes de la Manche. ■

Note : Les aspects scientifiques de cet article sont tirés d'un article paru dans le numéro 173 (déc 1996) de la revue de météorologie marine METMAR, éditée par Météo-France.