LA NORMANDIE DANS TOUS SES ETATS

Pour la première fois, le musée des Beaux-Arts de Rouen, le musée Malraux du Havre et le musée des Beaux-Arts de Caen s’associent pour organiser une importante manifestation en trois volets intitulée « La Normandie pittoresques 1820-2009 ».

Les trois expositions, présentées simultanément dans les trois musées, sont consacrées à l’illustration de la Normandie et de ses cinq départements. Articulées autour de séries d’images (albums de lithographies dans la première moitié du XIXe siècle, volumes illustrés d’héliogravures à la fin du XIXe siècle et commandes photographiques au XXe siècle), elles mettent en évidence les définitions culturelles et visuelles qui ont contribué à forger l’identité du territoire normand.

Cet événement permet de retracer les transformations du regard et les changements intervenus dans les choix iconographiques ainsi que l’évolution des techniques artistiques (peintures, lithographies, photographies, héliogravures). Il s’attache à revisiter la notion de pittoresque au cours des deux siècles passés, depuis son apogée à l’époque romantique jusqu’à sa remise en question dans l’art contemporain.

 


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ourquoi, depuis près de deux siècles, la région fascine-t-elle les artistes ? Les Musées de Rouen, du Havre et de Caen livrent une réponse commune.

Des galets de Dieppe au Mont-Saint-Michel, le pittoresque n'est plus ce qu'il était. Depuis les dessins des premiers touristes anglais débarqués après l'Empire, le regard sur la Normandie n'a cessé d'évoluer. Ruelles, églises, collines et littoral de ces terroirs ont constamment séduit. Toutefois, leur perception a changé quasiment à chaque génération. Pourquoi ? Trois musées réunis exceptionnellement tentent d'expliquer cette fascination et ces mutations.

Séraphin Médéric Mieusement (1840-1905), Cathédrale d’Evreux, pinacles, 1878, épreuve photographique sur papier albuminé. Médiathèque du Patrimoine.
Séraphin Médéric Mieusement (1840-1905), Cathédrale d’Evreux, pinacles, 1878, épreuve photographique sur papier albuminé. Médiathèque du Patrimoine.

Le musée de Rouen : « la Normandie pittoresque et romantique »

 

«Tout commence en 1820 lorsque la guerre est finie, rappelle le commissaire Diederik Bakhuÿs. Outre-Manche, la génération des jeunes artistes romantiques réalise son rêve : partir sur les traces de la Normandie gothique. L'ancien duché de Guillaume le Conquérant, à l'origine de leur nation, demeure encore très médiéval. Le territoire va être littéralement passé au peigne fin pour une moisson de feuilles qui serviront à la publication d'innombrables gravures. La notion de patrimoine émerge alors dans l'opinion, au point que les saccages commis depuis le début de la Révolution arrivent à être freinés.»

Quelque cent quarante peintures, aquarelles, dessins et estampes, dus à Bonington, Cotman, Turner ou encore Géricault ou Isabey sont réunis. C'est ce type de travail qui donne enfin une idée au public nostalgique de la Restauration des beautés de l'abbaye de Jumièges, du château de Tancarville ou des berges de la Seine. Hubert Robert avait célébré la ruine antique, les romantiques sacralisent, eux, les vestiges de Robert le Diable ou d'Arques-la-Bataille. Ils créent le goût troubadour, visions poétiques où des personnages vêtus comme au temps d’Henri IV peuplent les abords d'édifices venus d'un passé grandiose et blessé. Le succès est tel que le baron Taylor et Charles Nodier réussiront la commercialisation de leurs vingt volumes des Voyages pittoresques et romantiques entre 1820 et 1878.

Un travail éditorial comparable par son ampleur à l'Encyclopédie de Diderot et à la Description de l'Égypte commandée par Bonaparte.

Rouen, le quai de Paris, huile sur toile de Johannes Bosboom
Rouen, le quai de Paris, huile sur toile de Johannes Bosboom

Le musée du Havre : « la Normandie pittoresque et monumentale »

 

Le monumental imagier de Lemâle, chef-d'œuvre éditorial de la photographie, présenté au Musée

Malraux du Havre, entend surfer sur cette vague.

Mais la technique inventée par Niépce et mise au point par Daguerre en 1839 ne sera d'une commercialisation facile qu'après 1870. Lemâle mourra ruiné. Ses nombreux employés auront bouclé l'inventaire : la valeur d'une telle entreprise est devenue inestimable. À partir des années 1950, d'autres photographes sillonneront ce grand Ouest. La mutation est telle qu'ils peuvent à nouveau avoir la sensation de défricher un horizon vierge, si l'on excepte

les sites désormais mondialement célèbres.

Depuis Lemâle, il est difficile de saisir le Mont-Saint-Michel ou le quai de Paris à Rouen sans tomber dans le convenu.

Vaucottes, Seine-Maritime, 2005 Crédit : © Jem Southam/musée des Beaux-Arts de Caen
Vaucottes, Seine-Maritime, 2005 Crédit : © Jem Southam/musée des Beaux-Arts de Caen

Le musée de Caen« la Normandie pittoresque et contemporaine »

 

À Caen, le Musée des Beaux-arts propose une sélection de ces photographies du XX e siècle et contemporaines, réalisées par une trentaine d'artistes. Elles cadrent très librement les friches, les landes, les faubourgs neutres, les chantiers, le crachin. Au Havre, le béton d'Auguste Perret dresse de nouvelles lignes sur le ciel gris. Précédemment au service de Le Corbusier, Lucien Hervé magnifie ces tracés rectilignes. À nouveau, malgré les catastrophes, l'étrange charme normand opère. Trois expositions à voir absolument, pour tous les amoureux de la Normandie, jusqu’au 16 août.

 

«Voyages pittoresques, Normandie 1820-2009» jusqu'au 16 août aux Musées des Beaux-arts de Rouen (02 35 71 28 40), de Caen (02 31 30 47 70) et au Musée Malraux du Havre (02 35 19 62 62). Une entrée plein tarif dans le premier site donne droit au tarif réduit dans le second et à la gratuité dans le troisième. Catalogue commun Silvana Éditoriale, 512 p., 55 €. Hors-série «Connaissance des arts», 9 €.

 

Source : www.forumNormandie.fr