Développer le patrimoine végétal de Bernières

Par Francine BESSON ET Yves BEAUDOUX


Une simple photographie vue du ciel renseigne sur la richesse du patrimoine végétal de Bernières et ça n’est pas sans raison que le règlement de protection de la zone architecturale et urbaine a été récemment élargi à la protection du patrimoine paysager (ZPPAUP).

Bien que 90% du couvert végétal de Bernières soit constitué par les grandes propriétés, notre propos est ici de suggérer aux anciens et aux nouveaux Berniérais, amateurs de jardins, petits ou grands, des recettes, guide pour éviter les déceptions causées par l’atrophie ou la mort de leurs arbres ou plantes préférés, et de profiter pleinement de leur jardin

Après avoir observé les principaux arbres des grands ensembles de Bernières, nous soulignerons l’intérêt de l’entretien de l’existant avant que d’aborder une discipline de plantation.

1 : Quercus ilex ou chêne vert
1 : Quercus ilex ou chêne vert

 


L

es principaux espaces privés boisés nous ont été très aimablement ouverts par leurs propriétaires et nous avons pu ainsi répertorier les genres et espèces d’arbres bien implantés dans Bernières.

On y relève huit genres principaux ; il s’agit de l’Erable ou Acer, du Marronnier ou Aesculus, du Hêtre ou Fagus, du Frêne ou Fraxinus, du Tilleul ou Tilia, du Robinier ou Robinia (faux acacia- pseudoacacia), du Pin ou Pinus du Chêne vert ou Quercus ilex et enfin de l’If ou Taxus.

2 : Fagus ou hêtre
2 : Fagus ou hêtre

Certains parmi ces arbres observés, méritent une attention toute particulière car se sont de véritables spécimens de collection (photos 1 et 2).

3 : Ulmus ouOrme
3 : Ulmus ouOrme

Les Ormes ou Ulmus, majoritaires il y a quelques décennies (on se souvient de la rue des Ormes, allant de l’église à la mer, actuelle rue du Royal Berkshire Regiment), ont été éliminés par la graphiose. Il existe cependant de nouvelles espèces et variétés résistantes que l’ont peut replanter : genre Ulmus, espèce Resista, variété Sapporo Gold (photo 3)

4 : Tilia ou Tilleul
4 : Tilia ou Tilleul

Ces arbres sont différemment représentés dans les propriétés, suivant le choix de leurs propriétaires successifs ou leur histoire.

Certaines plantations répondent à un plan, par exemple le double alignement de hêtres à Quintefeuille (les hêtres alignés le long d’une étroite allée n’étaient-ils pas là pour protéger des rayons du soleil le teint des promeneuses sur cette allée ?), l’alignement de tilleuls menant au manoir de la Luzerne et au château de Quintefeuille. (photo 4).

D’autres plantations ne semblent pas avoir été faites selon des règles bien précises comme des plantations le long des cheminements, le long des murs ou encore des bosquets au milieu des pelouses. Mais il n’est pas facile aujourd’hui de retrouver s’il existait une réelle structure des plantations ou de savoir si celles-ci étaient faites sans recherche de plan, selon le goût du propriétaire ou si, à la suite de tempêtes, de maladies ou d’abattage sans réelle nécessité, elles n’avaient pas été défigurées.

Mais nombreux sont les propriétaires qui ont, à ce jour, la volonté de sauvegarder et/ou de réaménager leurs espaces verts et ce pour notre plus grand plaisir.

5 : Bois mort en tête d’arbre
5 : Bois mort en tête d’arbre

 

L’entretien de l’existant en prévision de l’avenir

 

La taille des arbres doit maintenir ceux-ci en forme, en préservant leur physiologie, leur santé, leur longévité et leur esthétique.

La pratique qui consiste à réduire la hauteur des arbres en les étêtant doit être réservée à certains types de haies du bocage normand ; les arbres ne sont pas des buissons. L’étêtage occasionne un déséquilibre de l’architecture, engendre un surnombre de rejets mal ancrés au tronc et développe des zones d’entrée d’attaques pathogènes (maladies, parasites) ou encore des descentes de cime avec assèchement des bois en tête par perte de la dominance apicale ;

6 : Bois mort en tête d’arbre
6 : Bois mort en tête d’arbre

en effet la conduction de l’hormone principale de la pousse des arbres se situe de l’apex vers la base (photos 5 et 6).

7, 8 et 9 :  Taille « en tétard » sur le Platon, en bordure du terrain de rugby
7, 8 et 9 : Taille « en tétard » sur le Platon, en bordure du terrain de rugby

Il convient d’éviter la taille en têtard, telle qu’elle a été appliquée à la haie brise vent du terrain de rugby de Bernières, car taillée à un, deux ou cinq mètres du sol, les branches qui repoussent se trouvent mal ancrées au tronc et sont plus cassantes et dangereuses (photos 7, 8 et 9).

Par contre la « taille douce » est respectueuse de la physiologie de l’arbre et de sa physionomie. Elle consiste à aérer l’arbre dans toute sa hauteur, en réalisant des tailles d’éclaircie, sur de petites sections pour limiter le traumatisme, en privilégiant les coupes multiples et de petites tailles. Une coupe de sections plus importantes aura beaucoup moins de chance de cicatriser totalement. De plus la sélection des branches périssantes à supprimer, allège et aère le volume de l’arbre, qui ne fait plus obstacle au vent mais se laisse traverser plus facilement, réduisant ainsi les risques de rupture.

Les grosses réductions demandent un suivi plus rapproché car les rejets retrouvent rapidement leur hauteur et présentent alors un danger, leur volume plus dense augmentant les risques de casse ou d’arrachage de l’arbre.

C’est pour ces raisons qu’il convient de généraliser la «  taille douce » pour les arbres ; c’est ainsi qu’a été réalisé l’élagage du parc Berthélémy ou encore du parc Pillier à Saint Aubin.

Cette technique peut également être employée pour de plus petits arbres, voire des arbustes, afin de favoriser leur développement et d’éviter l’enchevêtrement des branches.

 

La coupe elle-même doit aussi suivre impérativement certaines règles. Le bourrelet, formé initialement par l’insertion des branches doit être respecté pour une bonne cicatrisation de la plaie, faute de quoi les bois meurent, pourrissent et sèchent laissant s’installer les insectes lignivores (qui mangent la lignine).

En conclusion, la préservation d’un patrimoine arboré nécessite un suivi sanitaire et un grand respect du végétal en privilégiant les coupes multiples et de petite taille par rapport aux coupes trop importantes qui diminueront les chances de cicatrisation et souvent altéreront son image.

D’autre part dans notre région où les tempêtes ne sont pas exceptionnelles, un arbre « allégé » résistera mieux à la force du vent.

10 : Plantes dunaires
10 : Plantes dunaires

 

Politique de plantation et conseils

 

Le climat, les vents, les températures, les périodes de plantation et la situation par rapport à la mer doivent être pris en compte.

Les températures et le climat des zones littorales de la mer du Nord, de la Manche, de l’Atlantique ou de la Méditerranée sont loin d’être identiques.

-          La Côte de Nacre longe une région de plaine et de vent. Les vents dominants viennent de l’ouest, de la terre et du sud. Les vents d’est sont relativement faibles à moyens, et si les vents forts et les tempêtes sont plus rares, on constate cependant lors de ces vents violents de nord-est, de gros dégâts dus au dessèchement des bourgeons et des jeunes rameaux et au dépôt de sel.

-          -Les gelées apparaissent en novembre et sévissent en janvier et février. Il s’agit surtout de gelées nocturnes. Les températures s’élèvent en mars mais les nuits restent froides et les gelées blanches sont à craindre jusqu’en avril. Les automnes sont cléments jusqu’au début novembre

-          Les périodes de plantations se situeront de préférence en octobre ; pour les plantations qui auront lieu au printemps, l’arrosage l’été sera impérieux

-          La situation par rapport à la bande littorale guidera le choix des végétaux comme bien sûr l’orientation, l’ombrage et la qualité du sol pour la réussite d’un bel « espace vert » :

Ligne 1 : terrain proche de la mer ou en situation très éventée, c’est la zone la plus difficile en terme de décoration et il sera judicieux d’installer des plantes dunaires, 

graminées telles que Phalaris, Elymus, Miscanthus, Cortaderia (herbe de la Pampa). Les plantes à feuillage gris (lavande, senecio, atriplex) ou cireux (fusain, pittosporum elagnus), les plantes dites grasses (sedum spectobile) ainsi que de nombreuses espèces vivaces (iris, astericum, cinéraire) ont une très bonne résistance au vent. (photos 10 et 11).

11 : Plantes dunaires
11 : Plantes dunaires

Quant aux arbustes, on suggèrera Hippophae rhamnoides, Tamarix, Ajoncs, Atriplex, Baccharis halimifolia, Seneciogreyi, Olearia.

12 : Brandes de bruyères
12 : Brandes de bruyères

Ligne 2 : terrain abrité du vent de mer ; c’est la ligne des plantes qui se plaisent au grand air en supportant quelques embruns.

Cette ligne présente moins de difficultés car il est possible d’y incorporer un grand nombre de plantes et arbustes de toute catégorie et certains arbres tels que le chêne vert, le peuplier, le platane, le mûrier l’érable le pin, le frêne ou encore des fruitiers, comme le pommier ou le poirier, pourront y grandir.

Ces plantations auront cependant plus de chance de se développer si elles sont protégées par des obstacles naturels comme les haies ou artificiels, palissades ou brandes de bruyère qui, s’ils ne suppriment pas le vent, en atténuent la force. La plante brise-vent doit avoir une parfaite résistance au sel et au vent. (photos 12 :et 13 ).

Ligne 3 : arrière pays ; cette zone permet les végétaux qui se plaisent aussi bien en bord de mer qu’à l’intérieur des terres. En ce qui concerne les arbres, ceux que nous avons observés dans les parcs et jardins seront les bienvenus alors que pour les arbustes, le choix très vaste ne se limite qu’à celui des propriétaires.

Toutes les plantes bocagères sont adaptées, en port libre, en haies ou isolées

Pour les propriétés de taille modeste ou les terrains inférieurs à 600m2 il faut tenir compte de la taille à maturité des arbres afin d’éviter d’avoir à les abattre avant leur épanouissement complet.

Ne pas oublier que les arbres trop rapprochés gênent l’arrivée de la source de lumière indispensable, de même que leur plantation trop proche des murs peut être dommageable à ceux-ci à cause du développement des racines.

 

A Bernières, la municipalité, les lotisseurs à sa demande, et la plupart des particuliers plantent ou replantent beaucoup d’espaces verts. Bien que le choix des variétés soit délicat, une harmonie du couvert végétal, entre toutes ces initiatives, doit être respectée.

 

En conclusion, la solution la plus simple et la meilleure pour imaginer votre futur « espace vert », c’est de regarder autour de vous dans Bernières, les plantations déjà existantes afin d’éviter de choisir des plantes inadaptées, c’est aussi de prendre conseil auprès des professionnels !

 

 Quant à l’achat, il sera préférable de le faire chez des pépiniéristes proches dont les plantes, déjà acclimatées, auront une meilleure résistance, en effet les embruns salins peuvent se déposer à quelques kilomètres à l’intérieur des terres.

Un jardin proche de la mer, quel rêve ! Mais les végétaux souffrent des vents qui les brusquent, du sel qui les brûle, du sable qui les broie, nous espérons cependant avoir influencé nos lecteurs berniérais qui sauront déjouer ces difficultés.

Donc à vos bêches râteaux et cisailles douces pour que Bernières soit la plus verte de notre Côte de Nacre.

 

 

Nous remercions vivement les propriétaires d’espaces verts anciens qui nous ont ouvert leurs portes avec tant de gentillesse, permettant ainsi nos observations et commentaires.