Le patrimoine végétal de Bernières

par Yves BEAUDOUX, Francine et Pierre BESSON


 

De nos jours, Bernières est un village plutôt verdoyant, inséré dans un environnement rural à dominante de grands champs céréaliers qui permettent des vues très lointaines sur le village.

Comme le montrent les cartes postales antérieures à la seconde guerre mondiale, le village possédait un patrimoine important d’arbres de haut jet, tant dans le domaine public que dans les grandes propriétés privées. Malheureusement, une partie du couvert végétal du village a disparu du fait de la guerre et des maladies de certains grands arbres, principalement les ormes atteints de graphiose. De plus, de nombreuses tempêtes et le mauvais entretien ont aggravé l’état des boisements restant.

 

 


I

l demeure encore les parcs clos de hauts murs des six grandes propriétés berniéraises dont la végétation haute, très dense, composée de variétés d’arbres mélangées, constitue toujours un îlot de verdure se détachant sur le ciel, perpétuant une des caractéristiques principale de la commune.

Mais par suite de la réduction du fond végétal, les constructions anciennes comme les implantations récentes sont devenues plus visibles. Cela est vrai tant dans les vues proches que dans les vues lointaines du village.

Il subsiste toujours des perspectives originales et intéressantes sur le village depuis les trois axes principaux d’approche de la commune.

En arrivant de Courseulles par la D 514, le village (photo 1) s’inscrit dans un paysage boisé assez homogène constituée par les arbres de la zone des tennis, du camping et les haies bordant le terrain de sport.

Cette vue sur Bernières est malheureusement gâchée par une floraison de panneaux publicitaires hétéroclites, sauvagement implantés sans aucun souci esthétique.

Photo 2

En prenant la D 79 A, depuis la route de Tailleville (D 35), les vastes terres agricoles (photo 2) permettent une vue très dégagée sur le village avec la mer en arrière plan. Cette perspective originale constitue une caractéristique de Bernières. Elle fait ressortir le caractère boisé du village dont émerge la flèche de l’église.

La transformation de l’ancienne voie de chemin de fer en route départementale D 7 bis en provenance de Saint-Aubin, ouvre une perspective comparable à celle que devait avoir, avant la Seconde Guerre mondiale, le voyageur arrivant à Bernières par le train. La vue sur l’entrée de Bernières reste encore assez verdoyante.

La préservation du patrimoine végétal existant est donc particulièrement importante, spécialement pour valoriser les vues lointaines sur Bernières. Elle doit, bien entendu, s’accompagner d’une politique concertée, volontaire et continue de reconstitution du patrimoine végétal disparu et de la création de nouveaux espaces verts.

 

Le présent article a pour modeste ambition d’apporter des éléments d’information et de réflexion dans le souhait d’aider à la prise de décisions afin de conserver la richesse végétale du village tout en respectant son adaptation aux besoins présents et futurs du développement de la commune.

Photo3
Le parc Berthélémy

Le patrimoine public historique

 

Le patrimoine public, comportant des plantations antérieures à la guerre, est composé exclusivement par le Parc Berthélémy (photo 3). Cet espace est devenu propriété de la commune en 1977. La municipalité souhaitait en faire un parc public pour constituer un espace vert au centre du village, ouvert à tous, habitants comme touristes.

Plusieurs projets qui ne se sont pas concrétisés, se sont succédés, au gré des changements de majorité municipale. Le parc est resté en friche : il a même servi d’enclos pour des chevaux. Il a été question d’y construire des habitations. Finalement, le parc a fait l’objet d’une réhabilitation conduite par la municipalité de l’époque et réalisée en partie par les services communaux en 1995.

Photo 4
Cheminement piétonnier

Cette opération a comporté la sélection, la préservation et la taille des grands arbres existants (1 peuplier, 18 érables sycomores, 2 noyers, 4 aubépines, 2 saules, 3 frênes) ainsi que la plantation de nouvelles espèces (3 ormes, 1 pin parasol, 1 cèdre bleu, 7 bouleaux, 1 chêne vert, 2 pins noirs, 1 tulipier de Virginie, divers arbustes). Le plan reproduit ci-dessous souligne le cheminement piétonnier tracé autour des plantations avec la création d’espaces de jeux pour les enfants et une aire pour les joueurs de pétanque.

Zone des tennis
Zone des tennis

Le patrimoine public récent

 

En visitant Bernières, on s’aperçoit très vite que, compte tenu des espaces nécessaires au développement des arbres, la commune a peu de terrains disponibles. Cependant, un certain nombre de réalisations méritent commentaire.

Création datant de 1978, la zone des tennis (photo 4) a été dessinée et plantée dans le cadre des aménagements définis par la commune, en liaison avec la SEBN. On y trouve des peupliers, acacias, érables sycomores, platanes, pins noirs, au total une centaine d’arbres. Les arbres de haut-jet susceptibles d’être conservés ont été récupérés en 2006 en taille douce.

La réhabilitation du chemin de Quintefeuille (photo 5)a été conduite plus récemment avec la plantation de hêtres, platanes, érables, frênes. Il est devenu une agréable promenade entre le haut mur du parc de Quintefeuille et le terrain de camping. Il permet aux piétons et aux cyclistes venant du Platon ou du chemin du Marais de rejoindre la rue Léopold Hettier au niveau du calvaire.

A l’origine propriété communale, le terrain de camping a été planté à sa création d’un grand nombre de sujets. Très boisé à l’origine, il a été modifié progressivement pour augmenter le nombre d’emplacements campables et insérer de nouvelles installations d’hébergement. Les peupliers ont été abattus en raison des risques de chute éventuelle et l’entretien du camping relève désormais de son propriétaire.

Le chemin du Marais très arboré à l’époque où y était installé le lavoir, a été également réhabilité et planté de peupliers de Hollande.

chemin de Quintefeuille
chemin de Quintefeuille

L’aménagement de plusieurs ronds-points a permis l’implantation d’arbustes bocagers et/ou de parterres fleuris qui contribuent au développement du patrimoine végétal public.

Autrefois, la Rue Léopold Hettier (photo 6) était, de chaque coté, plantée d’ormes.

 

Les arbres ayant disparu, la municipalité a, en 1996, planté un alignement de tilleuls sur le coté sud de la rue. En effet, le tilleul présente les qualités d’un arbre de longue vie avec un feuillage assez dense. Au terme de vingt ans, ils deviendront de beaux arbres.

rue Léopold Hettier
rue Léopold Hettier

Cette plantation est toutefois située entre une route goudronnée et des terres que les agriculteurs labourent au plus près. Les arbres sont donc confinés dans leur emplacement ce qui retarde leur développement

Cette réalisation moderne devrait permettre, à terme, de reconstituer le rideau d’arbres qui longeait cette voie, de rendre à la vue lointaine sur le village son caractère verdoyant, de cacher la vue des bâtiments existants et enfin de mettre en valeur le calvaire récemment rénové. Ainsi, la perspective paysagère traditionnelle du village sera restaurée.

Place Eisingen, une plantation a été réalisée dans les années 1970 par la municipalité de l’époque sur la base d’un arbre par conseiller municipal. C’est une place à conserver : la plupart des arbres (4 aubépines, 8 sycomores, 2 acacias, 9 pins noirs, 2 frênes, 2 saules) se sont bien développés.

Le parking créé récemment avenue du Littoral ( depuis le rond-point jusqu’au niveau de la résidence « La Croisette » ) est planté de mûriers, arbre bien adapté au climat du bord de mer, qui ne pousse pas très haut et peut être taillé en formes diverses.

Dans le lotissement du Grand Parc dont la voirie relève aujourd’hui de la responsabilité de la commune, il existe une plantation de cerisiers fleurs ; certains qui étaient malades, ont été remplacés par des marronniers en pyramide.

Sur la placette, il y a des pins noirs, des leilandies, des peupliers et des bouleaux. Il pourra être envisagé d’y planter des essences nobles vivant plus de cent ans comme des hêtres qui entrent dans la catégorie des arbres traditionnels à Bernières.

Le long des cabines, élément caractéristique du paysage maritime de Bernières, des plantations de type dunaire (ajoncs, tamaris, graminées) ont été réalisées.

L’aménagement de la route de Bény (D 79 A ) qui dépend de la DDE, a un impact important sur la vue de Bernières vers le nord : des terres agricoles, le village puis la mer.

Le grand rond point (croisement de la D 404 et de la D 35) a été planté en graminées, pour évoquer la mer, avec l’accord de toutes les communes concernées. Bény a prolongé sa haie bocagère et Courseulles, l’alignement d’arbres qui introduit la D 404 dans sa commune. Le long de la D 35 qui va du rond-point à Tailleville, la haie bocagère a été reconstituée après sa destruction lors de l’élargissement de la chaussée.

Par contre, sur le territoire de Bernières, il n’y avait rien : pas d’arbres. Il a été décidé de réaliser le long de la D 79 A des bosquets, avec un arbre de haute tige et des baliveaux, reportés tous les 50 mètres. Il a ainsi été constitué des trouées permettant de conserver la vue sur les cultures, le village et la mer tout en créant un environnement végétal qui permet également un refuge pour les oiseaux.

Ainsi lorsque le voyageur empruntera la D79 A en direction de Bernières, il pourra contempler un paysage verdoyant, composé au centre des grands arbres des propriétés privées, à l’ouest de l’alignement de tilleuls de la rue Hettier et à l’est du talus bocager du nouveau lotissement (photo 8).

 

Il lui faudra, bien entendu, faire abstraction d’un témoin typique de l’esthétique du XXème siècle : le château d’eau, merveille d’une technologie obsolète mais remis au goût du jour grâce aux antennes qui le surmontent. Son insertion dans un paysage végétal est difficile mais peut-être serait-il possible de planter quelques arbres de haut jet dans l’enclos qui l’entoure et de faire grimper du lierre sur la construction afin de mettre en place une sorte de paravent. Celui-ci permettrait de masquer en partie la laideur de ce monument massif que les générations futures, encadrées par leurs enseignants, viendront peut-être contempler comme un témoin de l’ingénierie surannée d’une époque.

Reue des ormes
Reue des ormes

Le patrimoine privé historique

 

Les plantations de hauts arbres des grandes propriétés anciennes constituent l’essentiel du patrimoine végétal privé. Cette végétation haute, dense, composée de variétés d’arbres mélangées, donne à Bernières son caractère très vert. Elles sont visibles aussi bien de près que de loin ; autrefois, c’était le fond de verdure qui mettait en valeur le clocher de l’église.

Le fief de Semilly se trouve au centre ville et ses hauts murs sont à l’origine des tracés des rues actuelles. Cette propriété apparaît comme un château entouré de son parc boisé. La masse importante de verdure des hauts arbres de cette propriété crée un fond vert présent dans les vues lointaines. Il perpétue également un des cotés de la perspective de l’ancienne rue des Ormes (photo 9).

La propriété de la Crieux, au sud du vieux Bernières, est entourée de hauts murs qui délimitent les rues anciennes. Le château, les pavillons d’entrée et la ferme (actuel centre équestre) forment un ensemble pittoresque. Le parc boisé visible tant de loin que de près est en mauvais état. Il en est de même des murs en plaquettes de pierre de Caen.

Le fief Pelloquin au sud-ouest du vieux bourg est une propriété enserrée dans un îlot homogène de constructions anciennes avec des jardins. Cet îlot joue un rôle structurant des entrées du village au sud et à l’ouest. Il détermine les perspectives de la rue Léopold Hettier sur les hauts arbres au dessus des murs et sur le verger planté de pommiers. En face, la propriété Les Préaux, une autre enclave verte de hauts arbres, ajoute à l’harmonie de la rue.

Le château de Quintefeuille et son parc sont protégés en tant que site classé. Le parc, à cause de sa végétation haute, participe pleinement au paysage berniérais, en particulier dans les perspectives lointaines. La vue sur le château à travers la grille, par delà les douves, est une des plus caractéristique de Bernières. La partie centrale du parc est bien entretenue ; par contre, l’état d’abandon de la partie est, nuit au paysage végétal de la commune.

Le fief de La Luzerne, à l’est du village, est placé dans un grand îlot de plusieurs propriétés avec des parcs boisés. Les hauts murs de la propriété portent de nombreux graffitis, richesse artistique et historique de Bernières. Les hauts arbres de cet îlot, en particulier l’alignement qui va de la grille jusqu’au château de la Luzerne, sont déterminants pour assurer le fond végétal du village. Leur maintien en bon état est essentiel pour conserver l’originalité de Bernières.

Il convient de souligner que la préservation de ce patrimoine privé relève entièrement de la volonté des propriétaires, de leur intérêt pour la protection de leurs biens et des moyens financiers qu’ils peuvent y consacrer.

 

Le patrimoine privé récent

 

A l’inverse, dans les propriétés plus récemment édifiées et dans lesquelles s’installent les nouveaux bernièrais, une politique volontariste doit être menée pour que les générations futures profitent du patrimoine végétal de Bernières dans le respect de son image traditionnelle tout en faisant la part nécessaire à la modernisation du village.

 

Les nouveaux lotissements

 

A l’ouest, un nouveau lotissement est en cours le long de la D 79 A avant le chemin Sauvegrain. Un grand talus planté d’une haie bocagère a déjà été réalisé (photo 10). Il est prévu, au centre du lotissement, une ère plantée et aménagée sur la zone inconstructible (mais sans arbres en raison de la présence de sépultures).

Avec les plantations de ce lotissement et la création du talus, sera constitué un paysage bocager qui fera, si l’on peut dire, pendant à la haie de tilleuls sur la rue Léopold Hettier. A terme, le caractère traditionnel de l’entrée du village de Bernières sera ainsi retrouvé.

Dans le nouveau lotissement du Camp de Pie, les surfaces vertes sont significatives mais il manque un rideau de verdure au sud du lotissement avant l’espace agricole. En effet, le long du Chemin de la Grande Voie qui longe au sud le lotissement, un talus a été construit : il serait souhaitable qu’il soit planté en essences bocagères pour constituer un rideau d’arbres visible depuis les routes qui viennent de Tailleville.

Au nord de ce lotissement, la haie de cyprès leyland, déjà partiellement arrachée, devrait être supprimée. Il y aurait lieu de la remplacer par une haie bocagère avec prolongation du chemin piéton et ce, après reconstruction du muret qui longe la rue du Maréchal Mongomery en continuité du muret existant (photo11).

La création d’une haie bocagère permettrait d’y inclure des hautes tiges tous les dix mètres selon la tradition normande. Ce petit talus et des bosquets pas trop importants, placés le long de la rue du Maréchal Montgomery jusqu’au rond-point, permettrait de reconstituer une entrée dans le village, coté est, boisée et verdoyante.

La voie piétonne et le muret pourraient être prolongés pour se raccorder avec le trottoir de la route de Saint-Aubin, assurant ainsi une liaison piétonne avec la mer en passant par l’avenue de la Manche. Les amoureux des ballades à pied pourraient ainsi visiter un quartier verdoyant puis profiter des bienfaits du vent iodé de la Promenade des Français.

 

Les anciens lotissements :

 

Dans le lotissement du Grand Parc, les permis de construire imposaient de planter trois haut-jets par parcelle, choisis sur une liste de végétaux. Mais beaucoup de ces arbres ont été coupés et non remplacés, mis à part quelques pins noirs et des haut-jets (bouleaux, érables). Il ne reste plus que les arbres des trottoirs et les plantations des trois placettes avec des bouleaux, pins noirs, etc…

Que conseiller aux propriétaires dans les anciens lotissements en leur rappelant la règle : tout arbre abattu doit être remplacé !

Ou bien tailler correctement les grands arbres plantés conformément au permis de construire et qui demeurent.

Ou bien, si les grands arbres sont devenus trop volumineux par rapport aux surfaces et à l’emprise des maisons, les arracher. Les propriétaires pourraient alors replanter des essences pouvant atteindre 3  à 4 mètres de hauteur, qui ne présentent pas de danger (à la différence des peupliers) et qui vivent beaucoup mieux dans le temps. Cette technique permettrait de reconstituer, au moins pour l’œil, un environnement boisé même si la hauteur des plantations ne dépasse pas la taille des maisons.

C’est pourquoi un prochain article de Bernières Optique Nouvelle établira une liste, dressée par zones, d’arbres, arbustes et arbustes à fleurs ainsi que plantations diverses, bien adaptés au climat maritime normand de Bernières. Ces végétaux seront susceptibles d’être plantés tant dans les espaces publics que dans les propriétés privées, afin de développer le patrimoine végétal de Bernières tout en lui conservant un caractère traditionnel.

Les auteurs tiennent à préciser qu’ils ont repris certaines des recommandations formulées dans l’étude paysagère, réalisée en 2001, à la demande de la municipalité de Bernières, par Dorothée Gehin, architecte du Patrimoine.

 

Cette étude est disponible en mairie où elle peut être consultée sur demande.

Les auteurs tiennent à remercier vivement Mme Dorothée Gehin pour l’aide qu’elle leur a ainsi apportée.                                         

 

Yves BEAUDOUX,

Francine et Pierre BESSON