JOJO A QUITTÉ SON PIANO !

Après trente-huit ans de bons et loyaux services rendus à la restauration normande, Josette Guillon, notre célèbre Jojo, vient de raccrocher son tablier ! Figure ô combien connue et reconnue dans la région, au caractère si bien trempé, faisant tellement partie de notre patrimoine berniérais, que B.O.N. se devait de rendre hommage à une telle célébrité !

Josette Louis-Philippe est née juste après la guerre. Issue d’une longue lignée de pêcheurs berniérais[1], elle a grandi à Bernières. Enfant, elle jouait sur la plage avec celui qui allait devenir le président de votre association préférée, avec aussi Jacques Dutronc qui passait alors ses vacances estivales à Bernières[2] .

Elle commence sa vie active comme secrétaire administrative aux HLM à Paris, puis à Hérouville où elle est mutée. Un emploi particulièrement pesant : la relance des loyers impayés ! Comme elle travaille alors pendant les week-ends d’été à l’Hôtel des Voyageurs[3] comme serveuse, elle commence à goûter aux charmes de la restauration. Ce fonds de commerce étant à vendre, elle abandonne les HLM et décide de l’acheter en juin 1972. Et c’est alors que Le Hublot devient La Cancannière

Dès son ouverture, le restaurant ne désemplit pas, Josette accueillant chaque jour les ouvriers des chantiers navals de Courseulles [4] et ceux des « constructions Merlin ». Puis les Berniérais, les Parisiens et les touristes … Cela, pendant trente-huit ans !

Et parmi tous ces clients, des célébrités … Tel Jacques Dufilho en 1980, qui tournait avec Patrick Dewaere Un mauvais fils de Claude Sautet et qui se régala un soir d’un Livarot tout entier. Le pianiste Claude Khan, dont Josette hésita à remettre le chèque en banque pour en conserver sa signature. Mouloudji, qui lui laissa un autographe qu’elle conserve avec beaucoup d’humour[5]. Thierry Lhermitte qui dîna plusieurs fois à La Cancannière, tout comme Georges Cziffra lorsqu’il jouait dans l’église de Bernières, lors des Soirées de Normandie. Qu’il nous pardonne de rapporter ici cette anecdote : il envoya sa secrétaire au restaurant chercher quatre petites bouteilles de Perrier qu’elle fit remplir … de whisky pour désaltérer le Maître pendant son concert … Mais il y a prescription !

Durant toutes ces années, nombre de plats ont forgé la renommée de La Cancannière, tels les ris de veaux à l’ancienne[6], les duchesses d’escargots, la terrine de campagne au four, ou encore celle de foie gras au naturel. Cette terrine que Jojo prépare si simplement, sans fioriture : les foies sont déveinés, salés et poivrés et seulement cuit au bain-marie durant une demi-heure … Un régal !

Aujourd’hui Josette a quitté Bernières, mais sans aller bien loin, au Tourneur, près de Villers-Bocage où elle cultive ses fleurs, son jardin avec son mari Jean-Marin, lui aussi un enfant de Bernières.

Ses projets ? Demain, la cueillette des cerises et la semaine prochaine, celle des groseilles … Bonne grandes vacances, à tous les deux !                                                                                                    J.P. MAYER

 



[1] Rappelons au passage le mot de son père, Manu, qui répondait invariablement aux Parisiens l’interrogeant sur le temps qu’il allait faire, alors qu’il réparait ses filets de pêche : « Parler du temps, c’est perdre le sien » … A méditer !

[2] Jacques Dutronc logeait alors chez les coiffeurs de Bernières, M. et Mme Poret.

[3] Après guerre, l’Hôtel des Voyageurs appartenait à Jacques Lequesnes et le restaurant s’appelait alors « Le Hublot ». Jacques Chardonnens l’achète en 1962 et exploite cette affaire jusqu’en 1972, date à laquelle il cède le fonds de commerce à Josette Louis-Philippe.

[4] Ces chantiers construisaient alors des crevettiers pour le Kuwait.

[5] « A vous Jojo, pour votre voix qui contient tant de souvenirs … »

[6] Recette des ris de veau de Jojo : Les faire blanchir, puis les fariner et les flamber au cognac. Faire revenir des échalotes, ajouter les ris de veau, mouiller avec du fond de veau, du muscadet et du madère et faire mijoter …