LES COMMERCES A BERNIERES

Par Francine et Pierre Besson


Dans ses bulletins précédents, B.O.N. a publié différents articles permettant , en comparant des cartes postales anciennes avec des photos contemporaines, de constater que le commerce de proximité était autrefois très développé dans le village alors qu’il en est quasiment absent aujourd’hui.

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eprenons pour nos lecteurs notre promenade dans Bernières. Nous nous déplacerons autour de l’église, centre historique de la commune en cheminant rue de l’Eglise, puis rue Achille Henri Min pour déboucher sur la rue du Général Leclerc.

Sur le coté nord de la place de l’Eglise se dresse le plus important monument du village, l’église paroissiale Notre-Dame. Symbole de la prospérité ancienne de Bernières, elle domine de sa masse imposante, entre la mer et les champs, l’écrin de verdure que forment les parcs des grandes propriétés.

L’église actuelle est un édifice des XIIème et XIIIème siècles surmonté d’un puissant clocher, visible de très loin, qui servait d’amer pour les bateaux qui croisaient au large.

Nous ne nous lancerons pas dans une description de l’église, préférant renvoyer le lecteur à la brochure n° 152 Itinéraires du Patrimoine [1] ainsi qu’à l’opuscule Un autre regard sur le village [2] disponibles, entre autres points, à l’Office du Tourisme de Bernières.

Comme dans beaucoup de communes normandes, l’église était entourée d’un cimetière. Elle a effectivement été bâtie sur un ancien cimetière carolingien, voire saxon comme l’attestent les sarcophages de pierre découverts lors des travaux de déplacement du cimetière et postérieurement, dans les années 1920, de l’installation du chauffage dans l’église. Un de ces sarcophages, provenant probablement des carrières d’Orival, est conservé dans le bas-côté sud de l’église.



[1] L’église Notre-Dame de Bernières-sur-mer, Itinéraires du Patrimoine n° 152, Jannie Mayer et Hervé Pelvillain, Imprimerie Alençonnaise 1997

 

[2] Un autre regard sur le village, Jean Cuisenier et Hélène Mottin, Edition B.O.N.

 

L’une des entrées du cimetière se trouvait au sud du porche de l’église. Ce portail pourrait avoir été transporté au n° 223 de la rue du Général Leclerc.

A la fin du XIXème siècle, le cimetière fut déplacé pour des raisons de salubrité et remplacé par une esplanade ou planître. [1]

Comme il apparaît au vu de cartes postales anciennes, la place résultant de cette opération a subi certaines modifications au cours de l’histoire.



[1] Planître ou placître : en Normandie ou en Bretagne, espace découvert. Par ex. place du Planître à Reviers ou encore place Planître à Trun dans l’Orne, place Planître à Tancarville en Seine-Maritime, place le Planître à Louvigny près de Caen …

Ainsi que le montre cette carte postale, ce lieu fut longtemps la place centrale du village. La photo date certainement d’avant la Grande Guerre de 1914-1918 puisque le monument aux Morts n’y apparaît pas. Il a été inauguré en septembre 1920 et implanté visiblement au centre de la place comme l’atteste les photos de son inauguration.

Il fut ensuite déplacé – afin de dégager la vue sur l’église – à l’est de la place, face aux bâtiments qui la bordent. Cette décision du conseil municipal a donné lieu, en son temps, à des débats passionnés, un certain nombre de Berniérais s’opposant à cette opération. En fait, ce monument fut transporté en l’état et installé quelques mètres plus à l’est, à l’emplacement qui est aujourd’hui le sien, situation qui se prête peut-être mieux aux commémorations. La place fut aménagée à cette occasion puis fleurie ultérieurement.

 

La comparaison des quatre vues suivantes permet de constater, comme en plusieurs lieux de Bernières, que l’habitat du centre de la commune a peu varié au cours des années. Les maisons existantes n’ont subi aucune transformation fondamentale dans leur structure. Seul leur affectation a été modifiée.

Ainsi la maison qui fait l’angle avec la Grande Rue (aujourd’hui 115 rue du Général Leclerc) a successivement abrité divers commerces. Tout d’abord un café, parfaitement identifiable grâce à la mention figurant sur sa vitrine et à la réclame pour Dubonnet.

Sur la seconde carte postale, vraisemblablement postérieure, le bâtiment est flanqué d’un support de câbles électriques qui ne figure pas sur la carte précédente. Le commerce s’est transformé en épicerie-mercerie tenu Mme Marie dont le nom figure sur la banderole du store abritant la devanture, les produits alimentaires et les fanfreluches des fréquentes ardeurs du soleil couchant. L’activité alimentaire est attestée par la réclame pour le Bouillon Kub. On remarque toutefois que Dubonnet ait été remplacé par Byrrh.

Cette troisième carte postale nous montre, au centre, le tombereau récoltant alors les déchets du village et, plus à droite, une Renault décapotable. Ce commerce d’épicerie a ensuite été repris par M. Benizet.

Ultérieurement, un café s’est substitué à l’épicerie. Connu par les anciens Bernièrais sous le nom du « Café vert », il était tenu par Mme Ruffié. On pouvait y déguster ou acheter pour emporter du cidre à la tireuse, jouer au billard. Elle vendait également du lait et des produits d’épicerie.

Ce bâtiment est devenu aujourd’hui une habitation privée. La quatrième vue nous montre la place de l’église dans son état actuel.

En avançant dans la rue de l’Eglise, le passant découvre la boulangerie installée au n° 21. De 1928 à 1964 cette boulangerie a été exploitée par M. et Mme Coulon. Après le Débarquement, alors que les commerces étaient désorganisés, le boulanger et la boulangère sont venus en vélos, chaque jour, depuis Banville où ils étaient repliés, pour assurer l’approvisionnement en pain du village [1]

Plusieurs changements de propriétaires sont ensuite intervenus. Et tout récemment, la boulangerie a été reprise en octobre 2007 par Yohann et Nathalie Quesnot. Ils assurent ainsi la pérennité d’un des plus vieux fonds de commerce de Bernières qui partage cette caractéristique avec le « Bar du Centre ».



[1] Cf Mémoire du Débarquement, B.O.N. juin 2004

Outre le pain de tradition comme la baguette berniéraise façonnée à la main, leurs spécialités gourmandes devraient attirer de nombreux chalands. On y trouvera entre autres le brasillé [1] le pain brillé au beurre et à la pâte fermentée, l’abricotin, pâte à croissant et crème pâtissière, ou encore la patte d’ours au Nutella. A signaler encore deux spécialités : le Nathalie, crème citron, mousse chocolat blanc, joconde et le Courchevel, crème mousseline, framboises, enrobées de crêpe [2].

 

Au n° 29 de la rue de l’Eglise (à droite de la boulangerie sur les premières et seconde carte postale de la page précédente), se sont succédés divers commerces : peut-être un café, une poissonnerie, mais certainement une charcuterie, tenue successivement par M. Batteault et après la Seconde Guerre mondiale, M. et Mme Legay puis M. et Mme Meyer. Ce commerce a disparu ; l’immeuble est actuellement une habitation privée.

 



[1] Cf. Bulletin BON n° 26, p. 14, juin 2005

[2] La boulangerie est ouverte de 6 h 30 à 13 h 30 et de 15 h à 20 h. Fermée dimanche après-midi et lundi

En poursuivant sa marche dans la rue de l’Eglise, le promeneur arrivera devant le n° 65. Ce portail était autrefois l’une des entrées de la ferme Lesage qui possédait également une sortie sur la rue Montauban. Cette exploitation agricole était la propriété de M. Hervé Leguillon [1] qui en fit don à la commune. La municipalité l’a vendue dans les années 1980, à l’exception de la grange qui abrite aujourd’hui la bibliothèque. Animée par une équipe de bénévoles dévouées, cette bibliothèque présente un choix très large d’ouvrages variés : romans, livres d’histoire, livres pour la jeunesse, bandes dessinées. On y trouve aussi une intéressante vidéothèque [2].

Au n° 103 de cette rue se tenait un commerce d’épicerie-buvette qui vendait également des légumes. Il était tenu par M. Lucien Letourmy.

Juste avant cette maison, une construction au n° 101 mérite un peu d’attention. Ce bâtiment est un modèle typique de vieilles maisons d’artisans comme on en trouve encore en divers endroits de Bernières.

Cette maison présente un escalier extérieur permettant d’accéder au premier étage qui constituait alors le logement, celui-ci ne comportant généralement que deux pièces, rendues indépendantes par l’escalier extérieur. Au rez-de-chaussée, se trouvait l’atelier de l’artisan, souvent un tisserand. Ce rez-de-chaussée se trouvait en sous-bassement afin de bénéficier de l’humidité nécessaire au travail de tissage. Ce genre de maisons appartenait alors à de petites familles de conditions modestes.

 

La rue de l’Eglise débouche sur la rue Achille Henri Min, ancien maire de Bernières qui a fait don à la commune du meuble utilisé comme autel dans le chœur de l’église Notre-Dame.

Cette rue était également très commerçante mais n’a pas fait, à notre connaissance, l’objet d’aucune photo historique.

Au n° 36, M. Leplatois, agriculteur, vendait sa production de légumes et de pommes de terre.

Au n° 24 était installé M. Gorre, maréchal-ferrant, non loin de l’atelier, situé au n° 43, de M. Cormier, plâtrier qui exerçait également la profession de couvreur.

Au n° 25, se trouvait l’échoppe de M. Halot, cordonnier.

Au n° 95, habitait André Lesueur, artisan peintre ; certains anciens Bernièrais se souviennent de la très bonne qualité de la peinture qu’il appliquait, d’autres se rappèlent qu il possédait une montre « astronomique » dont il était fier. Son fils Victor, également peintre, a tenu la quincaillerie située au n° 50 de la rue du Général Leclerc[3] .

Au n° 123 se tenait l’atelier de M. Martin, électricien et réparateur de vélos.



[1] Auteur de Bernières-sur-Mer des origines à la Révolution, Caen, Imprimerie caennaise, 1927. Il a été

[2] La bibliothèque est ouverte mercredi de 10 h à 12 h 30 et samedi de 10 h à 12 h

 

[3] Cf. Bulletin BON n° 27, page 4, décembre 2005

 

En cheminant dans la rue Achille Min, on rencontre un autre bâtiment qui mérite une explication : il s’agit de l’ancienne mairie-école où s’exerçait un autre commerce, celui de l’esprit. Plusieurs générations de jeunes Bernièrais, moins jeunes aujourd’hui, y ont découvert les beautés de la langue française qu’ils manient sans faute, les rigueurs de l’arithmétique, les leçons de l’histoire et tout ce qui constitue la culture d’un « honnête homme ».

Dans la cour de l’école, à droite en entrant, une cellule dont l’étroite fenêtre porte de solides grillages, servait de prison. En fait, elle abritait épisodiquement certains fauteurs de tapage nocturne ou ceux dont l’état d’ébriété pouvait porter atteinte aux bonnes mœurs.

Cette ancienne mairie-école abrite désormais les réunions de l’association Sourire et Détentetous les lundis après-midi pour des travaux manuels, des jeux de société et de cartes, ainsi que celles du Club de la Chaudière tous les jeudis après-midi. On y joue à différents jeux de cartes et société autour d’un sympathique goûter.

S’y tiennent aussi des manifestations diverses dont les traditionnelles Rencontres de B.O.N. qui ont lieu en juillet de chaque année.

 

La rue Achille Henri Min aboutit à la rue du Général Leclerc.

A l’angle, au n° 331 de la rue, le café-épicerie « Chez Charlotte » successivement tenu par M. Douchin, puis Mme Dalhu accueillait la clientèle locale mais aussi des voyageurs car y était assurée la vente des billets de car pour Caen. C’était également l’arrêt des cars. Aujourd’hui, cette maison est une résidence privée. 

Nous poursuivrons notre promenade rue du Général Leclerc dans un prochain bulletin de B.O.N.

 

Les rédacteurs tiennent à remercier MM. Henri Beaudoux, Jean Cuisenier, Jean-Paul Mayer, Jean-Louis Nicolle, Pierre Robert et tous les amis de B.O.N. d’avoir réuni leurs souvenirs pour aider à la rédaction de cet article.